Bienvenue dans le monde des réunions

En ce dimanche soir, j'ai décidé de vous faire un petit article sur le boulot, histoire de vous mettre en jambes pour ce lundi et de vous parler des réunions : celles auxquelles on assiste mais surtout celles que l'on anime. Bienvenue à "Réunionite World" !

Pour les réunions auxquelles on assiste, j'ai juste envie de dire "c'est trop bon d'avoir deux ans d'âge mental". A mon boulot, à nos réunions hebdomadaires, on  a l'impression d'être dans la cour de récréation : un SAS de décompression où tout est sujet à déconnade. Superchef se retrouve parfois à faire la maîtresse d'école pour reconcentrer ses troupes.
Comme on est quand même un minimum respectueux, il suffit qu'elle tapote son stylo debout sur la table (le stylo, pas Superchef) ou qu'elle nous balance un petit "chut" ou un "s'il vous plaît"  avec un air mécontent, pour qu'on redevienne attentifs... jusqu'à la prochaine occasion.

Nos réunions demandent du coup de la concentration :  chaque mot doit être pesé sous peine de voir tout le monde repartir en vrille.
Je m'abstiens de vous citer des exemples, car hors contexte, c'est prendre le risque que vous nous preniez mes collègues et moi pour des trentenaires attardés, se comportant de manière inappropriée. Gardez de nous l'image de coincés prout-prout.

A "Réunionite World", on est régulièrement amenés à animer des réunions d'information, auxquelles sont invités des clients.
C'est le genre de réunion qui prend vite du temps en préparation parce que tu dois anticiper la question la plus tordue de Monsieur Chauve-Souris-enragée qui veut poser sa question improbable. Mais bon, admettons...
Hormis Mr question-piège ou question-à-la-con donc, j'ai remarqué qu'il y avait toujours dans la salle une Madame cè-honteux. Si tu parles de fiscalité, elle te lâchera toujours à un moment de la réunion "etcèkikivapayer ?", comme si elle se parlait à elle-même. Si tu évoques une nouveauté favorable aux locataires "bah voyons, on veut tuer les propriétaires", etc.
Moi, j'aime bien les Madames cè honteux. Il faut dire qu'en général, dans ce genre d'assemblées, vous vous retrouvez en face de 20-30-40-50 personnes voir plus (60 pour ma dernière), soit 120 yeux rivés sur votre petite personne et un silence de cathédrale, alors Madame cè-honteux, tu l'aimes, parce qu'elle te donne l'impression d'être moins seule et d'être fascinée par les trucs chiants que tu lui racontes. C'est comme Mr je-suis-d'accord, qui hoche la tête régulièrement, ce qui flatte grave ton égo. Tu penses même lui dédicacer ta réunion en guise de conclusion.


Il y a aussi Mr gè-un-ami-ki, qui veut poser une question sur l'ISF mais n'ose pas dire que ça le concerne "oui, alors, j'ai un ami qui m'a dit que...." ou qui se la joue Chauve-Souris-enragée pour tromper le public "oui, alors, admettons que je sois à l'ISF, ce qui n'est que pure hypothèse hein...".

N'oublions pas Mr j'ai-rien-compris-mais-je-le-sais-pas-encore, qui vient discuter avec toi après la réunion pour t'expliquer sa situation : "donc, si j'ai bien compris, faut que je fasse comme ça". Euh....

Et pour finir, y a les Mr ce-kon-est-bien-ici, qui s'endorment au bout de 5 minutes. C'est vrai, la lumière est tamisée, il fait chaud, les chaises sont confortables, ma voix doit sans doute être douce (ou ma présentation soporifique ?).

Certaines réunions peuvent se clôturer par des cocktails. Je me souviens de mon premier poste : je devais organiser notre assemblée générale de A à Z. Je réceptionnais les coupons-réponses (youhou). J'ai bien rigolé quand j'ai reçu le coupon-réponse de Mr Tartampion ;
- j'assisterai à l'assemblée générale : il avait coché la case "non"
- je participerai au cocktail qui suivra : il avait coché la case "oui"...
Comme ce n'était pas suffisant, il a écrit "nous serons 4". C'était la famille "bah quoi, c'est un peu nous qui payons indirectement".

A "Réunionite World", on anime également des formations pour nos collaborateurs. Les collègues, c'est pire que les clients, j'ai remarqué. Le pire du pire, c'est l'effet groupe. Si un mec est content de sa journée, tout le monde le sera. Si un mec a une remarque, bizarrement, les dix autres vont te faire la même. T'as envie de leur dire "roh l'autre, espèce d'hypocrite, avoue que t'y avais même pas pensé", mais tu te retiens parce que tu es un minimum civilisé et que tu veux qu'on t'aime.

Exemple pour une formation sur Excel (pure hypothèse, pour que ce soit parlant):
- "oui, alors moi, ça m'a plu, mais je pensais qu'on aurait travaillé sur Powerpoint également, parce que Excel, on peut l'utiliser dans Powerpoint quand même."
- Réponse, avec le sourire silvouplè : "et qu'est ce qui t'a fait pensé qu'on aborderait un point qui n'a absolument rien à voir avec le sujet du jour ?"
Dix personnes plus tard, t'en auras toujours un qui te dira "ouais, moi je rejoins Jean-Pierre, j'aurais bien aimé qu'on aborde un peu Powerpoint". Grrrr. 

Autre point : le tour de table. C'est une vieille habitude chez nous de commencer les formations en demandant aux participants ce qu'ils foutent là. Parmi les réponses hyper originales, on a le fameux "je viens pour une piqûre de rappel" ou le non moins fameux "je voudrais avoir une vue d'ensemble du thème". C'est toujours mieux que "fallait que je choisisse une formation, c'est tombé sur celle-là". C'est tellement agréable de former des gens qui ne voulaient pas venir.

Il n'est pas rare qu'on ait des pertes en début d'après-midi. Déjà, le déjeuner n'y est pas pour rien. Comme le repas est compris dans la formation, il y a un lâchage au niveau du contenu du plateau. Et vas-y que je te prends une entrée, un plat (de préférence en sauce et avec frites), un fromage, un bon dessert bien sucré, bien lourd (not un yaourt 0 % of course) et une boisson pour faire glisser tout ça.
Tu peux te lancer des paris intérieurs sur le nombre de participants qui vont grave lutter vers 14H30 pour garder les yeux ouverts, sans allumettes.
Ça peut être utile quand, en fin de formation, au moment de l'original tour de table pour connaître les impressions des participants sur la journée, l'un d'eux te congratule d'un "ouais, bon, moi je suis déçu qu'on n'ait pas abordé Powerpoint". Si tu l'aimes pas, tu peux toujours l'informer que ça a été abordé pendant qu'il dormait.

J'ai une petite pensée également pour ma dernière formation à laquelle les gens ont posé énormément de questions. Il y a eu tellement d'échanges qu'on n'a pas pu aborder tous les thèmes qu'on devait aborder. Mais on avait prévu le coup et on avait informé les participants qu'on préférait privilégier les échanges aux thèmes restants qui ne les concernait pas vraiment en pratique (ça aurait été plus de la culture générale). Je vous le donne en mille. On a eu droit au "je suis déçu qu'on n'ait pas eu le temps d'aborder Powerpoint". Comme j'ai envie qu'on m'aime, je me suis abstenue de répondre "on est vendredi, il est 17h30, tu veux vraiment qu'on l'aborde ?".
En plus, je suis persuadée que si on l'avait abordé et que la formation s'était terminée à 18h15 au lieu de 17h30, j'aurais sûrement eu le droit à  "ouais, bon, la dernière partie, ça nous concerne pas directement" ou pire "vous pourriez respecter les horaires, on est vendredi MERDE".

J'adore les réunions.